"The World We built"

Installations

Vernissage mercredi 31 janvier à 19h en présence de l'artiste 
Ouverture du 2 février 2018 au 17 mars 2018
Fermeture du 19 au 25 février 2018


"Banquet" [photo Laurent Lacotte et A.S.P.A]

Laurent Lacotte crée avec humour et poésie des œuvres qui nous portent à réfléchir sur notre condition d’homme et de citoyen. Il met en exergue, non sans ironie, les tensions, les contradictions et les travers de notre société contemporaine.
Privilégiant le travail in situ, il installe généralement son art, qui se confronte au réel, là où l’on ne s’y attend pas.

Il intervient fréquemment dans la rue, pour des installations le plus souvent éphémères. Il mène en parallèle un travail d’atelier et produit des pièces convoquant des matériaux aussi variés que le béton, la peinture, le bois ou le néon. 

Laurent Lacotte, The World We built
L’exposition d’un temps réel

Tout n’est pas joué d’avance et l’exposition ne sera pas prête.
Au moment du vernissage, et même dans les premiers jours d’ouverture, certaines œuvres seront encore en cours d’élaboration, sur place, à partir de matériaux collectés aux alentours et au-delà, des objets aussi divers que des gyrophares, des mannequins de vitrine, du verre, du carton, des sapins de Noël... Et, à vrai dire, même celles qui auront l’air achevées comporteront une part de métamorphose potentielle : réalisées auparavant, elles auront été transposées dans une nouvelle forme elle-même non définitive, susceptible d’évoluer dans l’avenir. Car l’ensemble est pensé selon le modèle musical de l’improvisation où des zones d’indétermination sont préservées comme des ouvertures propices aux heureux hasards, aux rencontres inattendues, aux surprises que l’artiste a pour rôle de recueillir après les avoir suscitées.

Ainsi l’exposition The World We build comporte une dimension de temps réel, au sens d’une concordance entre création et exposition mais, surtout, dans la mesure où la temporalité qui s’y manifeste est ce par quoi les œuvres sont directement liées au réel, par le biais des matériaux dont elles sont issues, éphémères et caduques. Dans le travail de Laurent Lacotte, la matérialité est vouée à la dissolution, qu’il s’agisse d’installations précaires et infimes ou de dispositifs aperçus et photographiés dans des situations qui ne se représenteront sans doute pas. Une œuvre composée avec des feuilles mortes s’intitule justement Caduque. Mais pour parvenir à cette instantanéité, toutes ont été précédées de périodes de prospection, aux aguets, lors de déambulations attentives, de repérages et de recherches, dans les villes et les campagnes, reflétant une manière d’être de l’artiste, constamment attentif au monde. Matérialité fragile des objets et immatérialité puissante du projet se combinent.

Le processus par lequel Laurent Lacotte créé ses œuvres correspond en effet à la suggestion d’une éthique de vie, y compris politique : elles en deviennent des métaphores. Réalisées sur le principe d’accorder sa confiance aux circonstances, aux autres et à soi-même, elles incarnent la volonté de favoriser la naissance du dialogue et des échanges, du mieux plutôt que du pire, projet entrainant sa propre performativité puisque les pièces qui en résultent contribuent à cette éthique. L’art que pratique Laurent Lacotte réinvestit par conséquent, dans le contexte d’aujourd’hui où les grandes utopies sont remplacées par les gestes effectifs de chacun, le domaine de l’activisme artistique.
Pour autant, ses œuvres ne sont pas optimistes. Une mélancolie les habite, par exemple dans l’évocation des espoirs déçus à travers la collecte de tickets de jeu perdants, l’un des works in progress de l’exposition.

D’autres pièces, allant de l’humour noir à l’ironie, en passant aussi par la poésie, témoignent d’une inquiétude quant à certaines orientations de la société contemporaine. "Nous", photographie d’une pierre tombale en granit rose sur laquelle est gravé le pronom personnel, est ainsi une mise en garde sur ce qui pourrait advenir d’une communauté qui inclut le spectateur, produisant en lui l’étrange impression d’être à la fois enterré et présent, mort et vivant.

La photographie du paillasson portant l’inscription "Welcome" jeté aux orties est une allégorie du sort réservé aux étrangers. Ou encore, les sculptures rassemblées sous le terme de Reliefs, réalisées à partir de mobilier urbain anti-SDF que l’artiste a brisé et récupéré au cours de virées nocturnes, rappellent dans l’espace de l’exposition la manière dont les sans-logis sont chassés de l’espace public.
A proximité, comment dès lors interpréter la photographie intitulée "The Good Life", donnant à voir le slogan d’une marque d’électroménager, qui semble chanter naïvement les louanges de l’existence ?

L’exposition, loin de nous conduire dans un autre monde, nous sollicite à propos de ce que nous souhaitons faire pour celui-ci, créant des espaces de discussion qui font tout autant partie du projet artistique que les réalisations en elles-mêmes.

Vanessa Morisset