vernissage jeudi 26 février 2015 à 19h
Rencontre avec Myriam Mihindou samedi 28 février à 11h45

exposition du 27 février au 11 avril 2015 (fermeture du 4 au 6 avri)

Firelei Bàez est originaire de République Dominicaine. Elle vit et travaille aujourd’hui à New York. Son art s’articule autour de l’identité raciale, de l’hybridation des cultures et des traditions propres à chaque peuple à travers les formes, les couleurs et les motifs dans ses travaux de peintures, dessins et gravures.

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Myriam Mihindou, née au Gabon, se définit elle-même comme une ‘‘artiste nomade’’. Son travail est multiforme : sculptures, photographies et vidéos à travers lesquelles on note toujours la forte présence du matériau, comme lien entre l’homme et la nature.

Œuvres issues de la collection privée Claudine & Jean-Marc Salomon et prêt de la galerie Maïa Muller.

Textes ;

Myriam Mihindou n’aime guère le mot objet, encore moins objet d’art. Elle fait justement remarquer qu’ils ne disent pas l’essentiel : que cette chose - peu importe son aspect, sa matière ou ses dimensions - n’existerait que d’une existence muette et immobile si elle n’était imprégnée de pensées, d’émotions, de mémoires, de récits, d’obsessions ou de songes. Son existence matérielle serait sans importance sans tout ce qui s’y inscrit ainsi pour chacun – pour chacun d’une manière différente, avec une intensité variable. Aussi faut-il considérer l’objet non pas en lui-même, mais comme la forme matérielle de ces données immatérielles. Cette forme doit être adéquate aux pensées qui la font naître et s’y logent comme dans un abri. Elle doit être, en quelque manière, efficace et éloquente afin d’attirer et de troubler ceux auxquels les sensations et les histoires qui l’habitent ne sont pourtant pas familières. C’est donc d’une définition de ce que l’on appelle œuvre qu’il s’agit : une chose qui affecte, excite, réjouisse ou révulse en affectant la vue, mais aussi en sollicitant le toucher ou d’autres sens.

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Firelei Baez est passionnée de recherche historique. Chacune de ses œuvres est l’occasion pour elle de plonger dans les histoires familiales et historiques de ses sujets. En mettant au jour les récits d’émigration, d’oppression et de résistance, en dévoilant les mythes culturels et les fables, elle révèle la transfiguration culturelle et artistique qui a abouti aux métamorphoses qui façonnent leurs histoires respectives.

Elle s’intéresse tout particulièrement aux mutations des différentes diasporas des Amériques et ses sujets sont bien souvent, à son image, des femmes antillaises. Les thèmes qu'elle aborde renvoient à sa propre histoire, celle d’une femme originaire de la République dominicaine mais qui a grandi aux Etats-Unis. Elle s’interroge sur la façon dont s’élaborent ces récits et sur les séductions et complicités qui s’établissent entre mythe et histoire.

Cependant, en juxtaposant des éléments aussi discordants que des motifs floraux anglais, des vautours et des paysages au pinceau à la manière japonaise, Baez suscite sur le corps de ses moko jumbies une confusion des référents historiques et, par là même, crée ce que la théoricienne du langage queer Elizabeth Freeman qualifie de « force d’attraction temporelle » générant ces « asynchronies queer » qui soulignent l’importance du corps et de ses plaisirs dans l’historiographie".

Dans sa série de gouaches Prescribed Seduction (2012), elle réduit la dimension de ses dessins au minuscule et à l’intime. L’œuvre se compose d’une série de dessins exécutés à partir d’images extraites de vidéos trouvées sur des sites de partage. Ces dessins sont ensuite sérigraphiés sur des pages de vieux manuels techniques, de registres de la noblesse britannique et de comptes rendus de Grands Tours. Les corps des personnages, majoritairement féminins, sont ornés de motifs floraux à l’anglaise et de déclinaisons géométriques inspirées de l’art islamique, tandis que leurs têtes sont coiffées de fines chevelures tracées à l’encre ou au graphite. Ces corps dansent, luttent, posent, déployant des volutes de cheveux derrière eux, contraignent le spectateur à se rapprocher pour mieux voir leur minuscule anatomie, mais refusent au dernier moment à leurs formes peinte de se révéler en totalité. Les femmes se déhanchent dans de suggestives danses jamaïcaines comme le Dutty Wine ou le Georgia Clap, s’agrippent mutuellement les cheveux comme dans une bagarre de bar, se figent dans des poses provocantes.

(Traduit de l’anglais par Gilles Berton)

  Freeman, Elizabeth, Time Binds: Queer Temporalities, Queer Histories, Duke University Press, 2010.